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Idées reçues en gestion de crise Actualités Homo Riskus face aux coronavirus

AFFRONTER, RÉGULER, DÉPASSER UNE CRISE GRAVE
 

AFFRONTER, RÉGULER, DÉPASSER UNE CRISE GRAVE

 

RÉFLEXIONS A PROPOS DE LA CRISE DU COVID-19

 

 

Comment se préparer à une telle situation ?

C’est possible, grâce à une formation spécifique …

… Car Il n’est pas question, lorsqu’il s’agit de l’ensemble d’une société, de concevoir des formes de préparation qui soient du registre de « l’entraînement ». Il faut laisser ceci à la formation des « professionnels de l’urgence ».

Par contre, des formations « sensibilisatrices », qui démontrent l’indispensable nécessité de développer nos capacités d’imagination et d’improvisation dans le respect des populations victimes, ont déjà été envisagées, expérimentées et démontrées, dès le début des années 1990 avec le concours de la Direction de la Sécurité Civile et de diverses entreprises.

Elles reposent sur une trilogie : « Modélisation - Simulation - Narration ».

Modélisation : c’est l’apanage des scientifiques ; Simulations : c’est le domaine des opérationnels ; et la narration s’appelle « REX » chez les managers.

Il s’agit de concevoir des modules pluri-institutionnels qui combinent ces trois dimensions afin de mettre en évidence ce qui constitue la complexité d’une crise et d’y puiser, pour chacun, des réflexes à entrainer là où et quand il le faudra.

On peut espérer que les « responsables », à quelque niveau que ce soit, aient déjà bénéficié de ce type de formation pour se préparer à savoir réagir dans des situations brutalement et profondément désorganisées et instables.

 

Mais, aujourd’hui, la situation est devenue délicate : une plus grande maîtrise technique et organisationnelle fait que l’entropie des catastrophes peut être mieux jugulée. Cependant, les effets de cette maîtrise comportent davantage de risques d’émergence de crises. Prenons, par exemple, la prise en compte des populations et de leurs besoins exprimés. Elle ne peut que conduire à une plus grande vulnérabilité chez les décideurs responsables car ils sont confrontés à des populations plus conscientes et donc plus vigilantes sans être pour autant mieux canalisées.  Le contexte actuel de mondialisation de la menace pèse sur les décideurs. Les débats se font plus ouverts et donc plus incisifs. Les mises en causes des responsables se développent.  Ainsi, l’apparition d’une crise grave devient plus particulièrement redoutée.

 

Qu’est-ce qu’une crise grave ?

 

Il est possible de caractériser une crise grave par ce qu’elle exige de ceux qui sont chargés d’y faire face :

Affronter ce type de crise, c'est affronter des problèmes de décalages perpétuels entre les acteurs, les évènements et les prises de décisions ; c’est réguler en permanence des problèmes de dérapages incessants parce que les décisions sont constamment prises dans l'improvisation ; et c’est dépasser les conséquences des décisions prises et en assumer les responsabilités.

 

 

Dans ce contexte, les besoins en information sont des besoins de repérages et les besoins en communication sont des besoins de négociation et de persuasion. Sans oublier les problèmes liés aux réactions « handicapantes » des individus à l’irruption de l’inconcevable.

 

Les problèmes de décalages dans le temps surgissent par le nombre considérable d’acteurs impliqués qui doivent répondre à des problèmes simultanés, à de nouvelles situations qui se succèdent inlassablement en même temps que d’autres n’en finissant pas de s’éterniser.

Les constants dérapages se manifestent dans les objectifs qui ne cessent de changer, les priorités à constamment re-déterminer, les nouvelles fonctions à assumer sans y avoir été préparés, les nouvelles procédures à tenter d’initier ou d’appliquer.

 

Tenter de dépasser la crise, c’est assumer les choix risqués qui ont été faits par des personnes aux cultures et aux logiques d’action très diversifiées, dont les décisions ont été prises sans possibilités de recul, ni retour, et souvent dans une grande solitude morale.

 

Les réactions « handicapantes » peuvent provenir :

      - de l’évolution du sinistre lui-même : Un séisme aura pour conséquences des inondations, des incendies, des pollutions majeures, etc. qu’il faudra traiter simultanément mais différemment.

      - d’un manque de connaissances :

                . sur les effets physiologiques du stress

                . sur les capacités de réactions des individus à l’irruption du « réel »

                . sur la possibilité de se préparer à des situations hautement critiques.

 

Elles ont des causes plus psychologiques :

      - La difficulté pour chacun de modifier sa représentation initiale de l’évènement. C’est un filtre déformant qui varie selon les impliqués. En effet, les indicateurs d’aggravation ou de maîtrise des incidents dépendent des circuits d’information, des cultures professionnelles, des degrés de familiarité des uns et des autres avec les problèmes qui surgissent.

      - Les conflits de priorité : ils naissent souvent des objectifs donnés implicitement par chacun à la résolution de la crise et ils s’avèrent souvent fort différents.

                Ces objectifs peuvent être listés ainsi :

                . le maintien des institutions à tout prix

                . l’effacement des traces laissées par le désastre

                . la sauvegarde des individus et de leurs biens

                . la sauvegarde de l’économie

                . l’occasion d’un changement politique, social, économique

                . l’évitement des conséquences pénales

                . la mise en valeur de nouveaux acteurs

                . .....

Et les pays en voie de développement sont particulièrement vulnérables sur les questions de moyens, de responsabilités, de manipulation des populations et des faiblesses en communication.

Comment faire ?

Dans un tel contexte d’incertitude, et de vulnérabilités évidentes, le socle de base reste la confiance. Si elle est entamée, la reconstruire, si elle est présente, la maintenir. Autant de la part des autorités vis-à-vis des populations que des citoyens vis-à-vis de leurs responsables. Elle peut se manifester par des actions ciblées, mais surtout par une communication intense et la plus transparente possible.

 

Pourquoi et comment communiquer ?

 

La tentation est grande, dans l’urgence,

- de confondre afflux d’informations avec maîtrise de la connaissance (les réseaux sociaux nous montrent que l’immersion dans les informations ne permet pas, de facto, d’en produire des connaissances - qui, elles, nécessitent de l’assimilation) ;

- de croire que l’événement n’a commencé qu’au moment où on en a pris connaissance, en oubliant qu’on fait partie d’une chaîne de traitement ;

 - d’oublier que des risques doivent être pris.

- de croire que la communication ne peut être que descendante, alors que surgissent des besoins de discussions, de concertations, de négociations pluri-hiérarchiques et pluri-institutionnels.

- de vouloir imposer des canaux mis en place par les autorités sans tenir compte de ceux qui fonctionnent déjà à l’intérieur d’organisations structurées.

- de croire que toutes les solidarités se resserrent autour des mêmes pôles.

- de penser que crédibilité et fiabilité fonctionnent encore de façon absolue pour tous et par tous.

- de penser que transparence et vérité coïncident.

 

Tous ces écueils doivent être pensés en permanence par des cellules de communication dédiées et permanentes au sein de chaque organisme, afin d’aider à maintenir cette indispensable confiance.

 

Travail complexe, épuisant, mais indispensable, malgré toutes ses insuffisances, dans un contexte de vulnérabilité omniprésente. Et pourtant générateur, aussi, d’espoir.

 

Claude HANSEN

Experte crises et catastrophes majeures - membre de l’IMdR

 

 

 

 

 

 

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